HOMME : Un jour les enfants ont ramené à la maison une vieille caméra. Je ne sais pas où ils l’avaient trouvée. Ils étaient tout excités par leur trouvaille. J’étais un acteur avant. Je suis encore un acteur, mais je ne travaille pas beaucoup. J’ai vécu mes meilleures années, comme on dit. Naturellement, j’avais des sentiments mitigés à l’idée d’avoir une caméra dans la maison parce que franchement, si on regarde ça froidement, la photographie c’est la mort. C’est la mort à tout point de vue. Mémoire et désir, vieillissement et mort. Pour un acteur en particulier, ces choses ne sont pas des abstractions. Ces choses sont aussi réelles que regarder dans un miroir.
[Chuchotement] Viens.
HOMME : J’ai eu un rêve il y a longtemps, avant d’avoir atteint quoi que ce soit professionnellement. J’ai rêvé que j’étais au cinéma et que je regardais un film avec d’autres spectateurs. Et subitement, j’ai réalisé que je vieillissais rapidement, devenant horriblement vieux, juste assis là. C’était le film qui faisait ça. J’avais attrapé une sorte de maladie par le film. Et ça me faisait vieillir, me rapprochant de plus en plus de la mort. [rire] Je me suis réveillé terrifié. Regardez-moi maintenant. Regardez où j’en suis maintenant. Vous voyez ? Le rêve devient réalité. [rires] Je ne sais pas comment les enfants ont réussi à faire marcher cette vieille caméra, mais les enfants maintenant...rien ne les déroute. [rires] Ça m’ennuyait de l’avoir dans la maison, enregistrant le moment. Quand vous enregistrez le moment, vous enregistrez la mort du moment. Les enfants et la mort, ça ne va pas ensemble. Donc ça m’inquiétait. Si je ne joue pas, si je ne suis pas...... en train de jouer un personnage, je ne sais pas quoi faire de mon anxiété.
Je suis pas mal anxieux ces temps-ci. Mais ils s’amusaient tellement ; je ne pouvais pas me résoudre à leur dire ce à quoi je pensais, c’était « Sortez cette fichue caméra de la maison ! Elle va tous nous empoisonner ! Elle va nous faire à tous un tort irréparable ! » Le fait que c’était une vieille caméra, de celles qu’on voit seulement dans les livres sur les vieux films, ne faisait qu’empirer les choses. [rires] La caméra elle-même avait vieilli. Elle avait son propre problème de désuétude et de mort. Et c’était triste de la voir comme ça dans la maison, circulant ici et là comme un vieux fantôme ridicule. C’était triste. Ça me rendait triste. [rires] Mais ensuite... j’ai commencé à sympathiser avec cette pauvre vieille caméra. J’ai commencé à penser que peut-être nous vieillissions ensemble, comme un de ces vieux couples querelleurs qu’on voit visitant le monument de Washington [rires] Et petit à petit la tristesse m’a quitté. Elle s’est écoulée de moi laissant peut-être un goût de mélancolie. Après tout, les enfants s’amusaient. Ça semblait pur et innocent......pour autant que ces choses puissent être pures ou innocentes. Tout le monde est prêt.
ENFANT : Donne-moi une seconde. Scène 1, prise 1, marque.
ENFANT : OK les gars, les uns en position.
ENFANT : Oh, juste une seconde. Cadré. Action.
HOMME : Un jour les enfants ont ramené à la maison une vieille caméra. Je ne sais pas où ils l’avaient trouvée. Ils étaient tout excités par leur trouvaille.
ENFANT : Coupez !
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