CHRISTOPHER HAMPTON : Nous étions tous deux très soucieux de faire un film aussi authentique que possible. Alors, réellement, rien n’a été inventé à l’exception d’une certaine spéculation sur la nature des relations entre les différents caractères. Mais, ceci étant dit, rien, pour ce que nous avons pu établir, n’était différent de ce qui, en fait, a été dit, et les lettres étaient toutes... je veux dire, il y a peut-être eu une phrase d’une lettre qui a été combinée avec une phrase d’une autre lettre, ce genre de truc. Mais elles n’étaient pas, cela ne m’a pas semblé vraiment une chose intéressante à faire, inventer pour ces gens, parce que ce sont des personnes tellement fascinantes, et ce qui leur est arrivé et les diverses étapes qu’elles ont franchies à ce stade embryonnaire de la psychanalyse. Cela ne semblait pas approprié d’inventer du matériel.
J’avais déjà eu mon expérience initiatique : lorsque j’écrivais le scénario original, je suis allé à Zurich pour y faire de la recherche. En particulier, je suis allé à l’hôpital de Burgholzli, où Jung a été assistant directeur au début de notre récit. Il n’est plus là maintenant, mais au dernier étage, ils ont aménagé un petit musée en mémoire de Jung comprenant divers objets. Le préposé ou le conservateur disait avoir connu Jung et avoir été préposé aux bénéficiaires dans l’hôpital lorsque Jung y exerçait. Nous avons commencé à parler de la famille de Jung et de ses héritiers. J’ai dit : « J’ai entendu dire qu’ils étaient plutôt vigilants et protecteurs? » Il a répondu : « En effet. » Bien qu’il voulait seulement monter ce musée en hommage à Jung, ils lui ont donné beaucoup de fil à retordre, et il n’a pas senti d’appréciation pour ce qu’il avait fait. Bref, cette conversation a, du moins je le suppose, fait tomber les barrières entre nous. Je maîtrisais mal l’allemand, comme d’habitude. Il a dit : « Est-ce que quelque chose vous intéresse en particulier? » J’ai dit : « Oui, je m’intéresse à une patiente de Dr Jung en particulier. » Il a dit : « Connaissez-vous approximativement sa date d’admission? » J’ai répondu : « Oui, c’est le 4 août 1904. » Il a dit : « Dans ce cas, venez avec moi. Je dois fermer ici. » Nous avons fermé le musée et il m’a amené au sous-sol, dans une salle d’archives. Il a pris un volume de 1904 sur une étagère et a retrouvé le dossier médical de Sabina Spielrein, dactylographié par Jung, présumément, avec des notes dans la marge écrites de sa main. Il a dit : « Voici. » Il y avait une cinquantaine de pages, du moins je présume. Il a dit : « Vous avez une demi-heure. » J’ai répondu : « Heu... » Il a répliqué : « Écoutez, je vais vous laisser seul ici. Il y a un photocopieur dans le coin. » J’ai alors photocopié photocopié les pages du dossier médical, les ai apportées ici, et ça a été la semence et le début de tout ça.
Personne n’avait écrit au sujet de ce dossier et personne ne l’avait vu, je crois. Et il est certain que John Kerr, auteur du livre A Most Dangerous Method, qui est à la base de notre film,n’a jamais consulté ce dossier. En effet, il avait spéculé dans son livre que le traitement avait duré environ quatre ou cinq semaines. Or, d’après le dossier médical, il aurait été administré pendant six mois environ. Les dialogues du film proviennent en majeure partie de ce dossier médical. En fait, ça a causé un petit problème d’ordre juridique au Théâtre national. Ils s’inquiétaient de...en fait, vous n’êtes pas censé, même si cela s’est passé il y a plus de 100 ans, vous n’êtes pas censé utiliser le dossier médical d’une personne.
Heureusement, entre le moment où j’ai fait la découverte de ce dossier et les cinq ou six années qui ont passé avant la première du film au Théâtre national, un étudiant allemand avait obtenu l’autorisation de consulter le dossier et avait reproduit de très nombreux extraits dans sa thèse de doctorat présentée à l’Université de Munich, ou ailleurs. Techniquement donc, après qu’ils ont été publiés dans le milieu de l’éducation, le problème n’existe plus. C’est là que tout a commencé.