PETER SUSCHITZKY : Ça commence par une prise de vue que beaucoup de gens admirent, et j’ai beaucoup aimé la faire : elle se déroule à la lumière du jour, et la caméra suit le déplacement des personnages en face d’un motel. Nous avons passé beaucoup de temps à préparer cette prise de vue, elle a demandé beaucoup de réflexion. Nous avions de l’équipement peu sophistiqué. Je ne vous raconte pas de ce qui s’est passé en coulisses, mais je vous en parle du point de vue technique. Nous avions une grue qui n’était pas rétractable et qui devait se déplacer selon un arc, alors nous avons dû trouver une façon de la faire bouger en fonction de l’espace et autres. Cela ne vous dit pas comment elle passe du monde de tous les jours à un monde plus menaçant à la fin, mais je pense que la séquence d’ouverture du film laisse pressentir la fin du film, parce qu’elle fait naître un pressentiment.
HOWARD SHORE : Dans le cas d’Une histoire de violence, j’avais écrit une musique pour le début du film. Habituellement, ce que David fait, je réalise l’enregistrement, il insère la musique dans le film, puis je visionne la scène. Je regardais le film avec sa trame musicale, puis je lui ai dit, lorsque les lumières se sont allumées : « Supprime le premier morceau de musique. Tu n’en a pas besoin. Il est préférable de laisser le public faire sa propre idée à propos de la scène d’ouverture. » Ça enlevait quelque chose, ça prenait trop de place et d’importance. Je n’aime pas vraiment faire ça, alors je l’ai convaincu de retirer ce morceau. Ce que je veux dire, c’est que le silence est incroyablement important. La façon dont nous avons fait des films, c’est de ne pas en révéler trop. Et bien sûr, au début du film, vous ne voulez vraiment pas faire ça.
MICHAEL O’FARRELL : Mon baptême du feu, ça a été le début du film Une histoire de violence. Où il y a en fait un signal musical qui marquait le début d’Une histoire de violence. Nous en étions à la copie finale, Howard et lui sont entrés et ils discutaient dans le coin, puis ils ont dit : « Nous allons supprimer un peu de musique. » Quant à moi, je n’avais jamais envisagé que cette scène pourrait être sans musique. Soudain, mes pensées sont devenues : « O.K., qu’est-ce que je vais faire ici pour que ce soit intéressant? » Ce qui est formidable, alors c’est devenu une vaste fusion de bruits d’insectes, avec des cigales qui chantent à tue-tête, afin de rendre la tension qu’il y a dans cette scène sans recourir à la musique, ce qui a très bien marché, je crois. Mais la voiture elle-même posait problème, parce qu’il voulait réellement qu’on l’entende, cette auto de meurtriers, d’une certaine façon. Ça a pris un certain temps avant d’arriver à la scène qu’on voulait. Et elle est très bien comme ça, je pense.
[CHANT DES CIGALES]
BILLY : On continue vers l’Est?
LELAND : Comme prévu.
BILLY : On évite les grandes villes?
LELAND : Ouais.
BILLY : J’en peux plus.
LELAND : Moi non plus.
BILLY : Roule jusqu’au bureau!
LELAND : Je vais régler.
BILLY : D’accord.