Graphique d'un lézard à deux têtes d'eXistenZ

Transcription : La mouche : réalisation et effets spéciaux

CAROL SPIER : Pour La mouche, parce que ce qui se passe est tellement bizarre, on voulait que tout ait l’air aussi réel que possible. En termes de où il travaillait, on a dû construire l’entrepôt, le laboratoire qui était dedans, parce que certaines parties devaient tourner pour qu’il puisse marcher sur le plafond, et tout le travail qui devait être fait sur la créature, donc on a dû construire les décors en surélévation. On a passé beaucoup de temps à travailler avec les gars des effets spéciaux, sachant ce dont ils avaient besoin. On a passé beaucoup de temps à concevoir ce qui était vu par les fenêtres, pour que ça n’ait pas l’air d’être un décor. Parce qu’on a construit une sorte de combinaison de décors 3D et d’arrière-plans peints. Une partie de ce qui était vu par la fenêtre, devait parfois être déplacée quand le plateau tournait. C’était... – c’est difficile à dire – essentiellement, on volait que ça ait l’air réel, mais avec quelque chose d’inattendu, avec une sorte d’anormalité. J’imagine que ça venait avec le vrai télépod.

Quand on a commencé avec les télépods, on a commencé... Le tout premier était, je crois, une sorte de variation d’une cabine téléphonique. (RIRES) Il était, disons, tristounet. Puis on a eu d’autres idées, et on les a amenées à David. On les a effectivement amenées chez lui, et on a dit, « On ne croit pas y être encore arrivé, mais on s’est dit qu’on allait amener ceux-ci avec nous et parler de vers quoi on se dirige. » Il a dit, « Tu sais, je crois que j’aimerais quelque chose avec des tas de nageoires dessus. » Donc on a commencé à regarder des choses avec des nageoires. Et il a dit, « Peut-être un peu comme ma moto Ducati. » (RIRES) Donc on est sorti et on a regardé sa moto. On est reparti avec au studio. On l’a regardée et on s’est dit, « On ne peut pas vraiment beaucoup améliorer ça. » On l’a regardée sous différents angles et on a fini par la retourner à l’envers. Quand on l’a retournée, c’était comme, « C’est bon, c’est ça! » Ensuite il fallait que ça marche. Comment faire la transformation? Il devait avoir une porte, il devait avoir des fenêtres, vous savez. James [McAteer] a essentiellement travaillé sur les dessins. On a revu tout ce qui était nécessaire : ce qui se passerait quand on fermerait la porte, et comment la porte allait se fermer, etc. Et ça a tout simplement évolué, vous savez, depuis... la cabine téléphonique du début. (RIRES)

MARK IRWIN : La pièce pivotante était un... J’en ai filmé quelques–unes en Californie, Et le style hollywoodien, leurs racines sont autre chose. Joe Curtin et les concepteurs d’effets spéciaux de Toronto... avaient leur propre agenda. Ils n’avaient jamais fait ça avant. Au lieu de faire une boîte avec un tuyau au milieu et qui tournerait, et dans laquelle vous vous entasseriez, ils ont fait cette chose entièrement à partir de sections de tôle ondulée. Du genre tuyau d’égout, mais ça faisait 7,5 m (24 pieds) de haut. Il était posé... Il faisait 9 m (30 pieds) de profondeur, donc vous faisiez votre propre énorme tube. Il reposait sur des roues et il pouvait tourner à l’aide d’un moteur avec chaîne. Juste un plateau tournant géant et horizontal. Ensuite on a installé le plateau dedans.

Le vrai problème était, pas la caméra, pas l’éclairage, mais le fait que, au fil de l’histoire, il mangeait beaucoup de malbouffe. Et il est devenu la mouche, il vomissait et toutes ces sortes de choses. La malbouffe, malheureusement, est enveloppée de cellophane. Donc on a jonché le plateau de tout ça, et quand c’est posé là, ça va. Mais quand vous retournez le plateau, ça commence à trembler. Et en fait, ça n’est pas supposé arriver. Il est supposé marcher sur le mur, et si quoi que ce soit d’autre fait quelque chose, ça trahit le truc. Donc c’est devenu le gros problème. Il y a avait du ruban adhésif et des pistolets à colle et toutes sortes de solutions.

STEPHAN DUPUIS : Il y a avait une quantité phénoménale de choses à faire, donc ça a pris des mois. C’était des mois plus tôt. Prendre le moule du corps entier de Jeff Goldblum, puis vous aviez le Brundlefly, le monstre. C’était tout un engin mécanique. J’étais tellement occupé par le maquillage, qui était une autre section. Ma partie était toutes les étapes du maquillage, plus la séquence de bras de fer, et les...

Donc on a essayé différentes maquettes, et chacun faisait une maquette de ce que à quoi Brundlefly devait ressembler. On a opté pour un air plus malade, plus déformé. Avec, vous savez, un œil plus gros, des lentilles de contact dans les dernières phases. Il y avait toutes ces étapes subtiles au début où il n’a pas l’air vraiment bien, sa peau est un peu marbrée, et il a ces petits poils de mouche. Et ce sont tous ces petits détails. Puis il commence à perdre ses ongles dans cette fameuse scène, et à perdre plus de trucs, puis ça passe à ce qu’il soit relativement déformé. Avec la grosse tête et tout le reste. Et le discours politique de l’insecte avec Geena à la fin, où il lui dit essentiellement de partir avant que quelque chose n’arrive.

DENISE CRONENBERG : Geena Davis voulait porter ce chandail. Quand je le regarde maintenant, je me dis, « Mon Dieu, quelle horreur! » Mais vous savez, c’était les années 1980. Elle voulait porter ce...J’ai oublié ce qu’il y avait sur le devant, mais c’était une grosse fleur ou quelque chose que je ne mettrais jamais sur quelqu’un. Mais à l’époque, elle voulait ça et j’étais nouvelle, donc... Vous voulez faire plaisir, vous ne voulez pas... Donc on a montré ça à David et David a dit – vous savez, Geena était fâchée qu’elle ne puisse pas le porter, mais c’était la décision de David qu’elle ne le porte pas. Et à l’époque, je n’avais pas l’expérience de dire, « Ce n’est pas quelque chose que David aimerait. » Ou, vous savez... Ensuite, David m’a dit... J’ai dit, « Alors... » Quelque chose comme, « David, pourquoi n’as-tu pas voulu utiliser çà? » et il a dit, « Parce que, Denise, ce n’est pas une scène à propos d’un chandail. » Et je n’ai jamais oublié ça. Et ça ne l’est pas. Vous savez, parce que tout le monde aurait regardé cette énorme fleur et n’aurait rien vu d’autre. Et je m’en suis toujours rappelée. Et ça m’a vraiment appris à partir de ce moment-là, à faire très attention et à visualiser à quoi les vêtements allaient ressembler et la connexion – presque comme une peinture murale, vraiment. Mais j’ai appris ça de lui. Je ne l’ai jamais oublié. Je ne pensais pas qu’il ait raison à ce moment-là, mais c'était correct. (RIRES)

HOWARD SHORE : Bon, La mouche. J’ai vu ça comme un opéra. Et bien sûr, des années après, je l’ai écrite comme un opéra, mais les histoires avaient, pour moi cette atmosphère tragique d’opéra. Je voulais faire une musique symphonique, à ce point. Je crois que c’était en 1986. C’était en fait la première musique symphonique totalement intégrée que j’écrivais pour un film. J’avais fait un film quelques années auparavant à New York qui utilisait un orchestre symphonique, appelé Nothing Lasts Forever. Et j’ai senti que j’étais prêt maintenant pour une approche totale à faire ça. La musique avant La mouche, bien sûr, était Videodrome, je crois, qui était pratiquement une musique purement électronique. Donc La mouche fut écrite dans ce mode opéra et je suis devenu très intéressé par l’opéra à cette époque. J’allais souvent au Metropolitan Opera et j'étais influencé par ça, d’une certaine manière. Même dans la façon dont les enregistrements étaient faits. Je préparais mon orchestre à enregistrer dans l’espace, comme le Metropolitan Opera. Je l’installais comme si l’orchestre était la fosse et enregistrant en surround maintenant – gauche, milieu, droite – et installant les micros de façon spécifique, comme au théâtre, comme à l’opéra, et imaginant le proscenium ou la scène ressembler au film. Étant au cinéma et ayant l’impression que l’orchestre est en train de jouer juste sous la projection, ou derrière elle, si vous préférez. Donc, j’ai commencé à incorporer ces techniques, pas seulement dans l’écriture et comment les morceaux étaient construits, mais aussi spécifiquement dans l’enregistrement.